La septième fonction du langage de
Laurent Binet.
L'intrigue du nouveau roman de Laurent
Binet est réjouissante: Roland Barthes, célèbre sémiologue
français, est assassiné, renversé par une camionnette le 25
février 1980, en sortant d'un déjeuner avec François Mitterrand.
La raison de ce meurtre subtilement orchestré est la suivante:
Barthes détient à ce moment-là un document qui pourrait changer
les fondements du langage et devenir un formidable outil de pouvoir,
il s'agit de la septième fonction du langage définie par Jakobson,
autre linguiste réputé. Une enquête et une course-poursuite
infernale s'engagent alors entre un commissaire dépassé par le
monde intellectuel des années 80, accompagné de Simon, un jeune
universitaire spécialisé dans les sciences du langages, et les
tueurs de Roland Barthes qui essayent par tous les moyens de
récupérer ce fameux document, volatilisé après l'accident.
Ce roman prend alors la forme d'un
thriller savoureux où les faits réels deviennent largement romancés
par la fantaisie et le talent d'écrivain, incontestable, de Laurent
Binet, que j'avais déjà fort apprécié à la lecture de son
premier excellent roman, HHhH, qui raconte l'attentat qui a été
fomenté contre le dirigeant SS Reinhard Heydrich durant la Seconde
Guerre. Ce roman met en scène tout un pan de la vie intellectuelle
et culturelle des années 80 avec des personnages réels, plongés
dans des situations absurdes, librement sorties de l'imaginaire
loufoque de l'auteur, qui sont parfois fort comiques. Ainsi on
retrouve Michel Foucault (dans un sauna gay!), le couple Philippe
Sollers et Julia Kristeva (absurdes au possible!), Umberto Eco,
Jean-Paul Sartre, Louis Althusser, et le ridicule BHL et sa
sempiternelle chemise blanche!
Ce roman s'annonçait alors comme une
réussite. Si la première moitié du roman donne un ton jubilatoire
et part dans un joyeux bordel bien ficelé, la seconde partie quant à
elle s'égare malheureusement dans des envolées intellectuelles et
philosophiques qui viennent considérablement alourdir le récit, et
le rendent, souvent, très obscur. En effet, les personnages
déclament des tirades inspirées, d'ordre souvent politiques ou
culturelles qui, si elles ne sont pas connues véritablement du
lecteur, paraissent alors insipides et opaques. C'est dommage. On a
non seulement l'impression de passer à côté du texte et de sa
tonalité apparemment cynique, mais en plus on se sent cruellement
lésé car on ne semble pas convier à la rigolade générale. Le
roman prend alors une tournure déplaisante, où Laurent Binet
s'enfonce dans son propre délire et s'exerce à des joutes oratoires (par ses personnages)
peu compréhensibles, sinon de lui-même. Pour montrer, inutilement,
toute l'étendue de sa grande culture politique et culturelle des années 80? Je ne l'espère pas.
Déçu par ce roman car j'aime beaucoup
les talents d'auteur de Laurent Binet et sa façon de raconter les
choses. Mais avec La Septième Fonction du Langage, il m'a perdu
en cours de route, c'est dommage, mais j'attends tout de même son
prochain roman avec impatience.
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